À 100 ans, Pierre Lamarque, que ses proches surnomment Édouard ou Nérac, a réalisé une promesse faite entre copains: apparaître dans le journal le jour de son centenaire. Né à Captieux le 24 octobre 1925, ce Sud-Girondin vit aujourd’hui à Bernos-Beaulac et déroule, avec malice, un siècle d’images.
Enfance rustique, sabots aux pieds et cinq kilomètres d’école avant une scolarité vite interrompue. Fils de métayers, il embrasse d’abord ce premier métier, puis rejoint la gare pour charger les wagons de bois. Il termine sa carrière dans la forêt, tronçonneuse en main, d’abord pour «la Centrale», puis pour la Caisse des Dépôts, propriétaire de vastes domaines forestiers. Une vie de travail au cœur des pins des Landes de Gascogne.
La Seconde Guerre mondiale reste gravée. Élevé en zone libre, il se souvient des semaines comptées «avec un bout de pain», d’un père devenu braconnier par nécessité et d’un sanglier qui nourrit tout le village pendant des jours. À vélo, il franchit les postes de contrôle, la peur au ventre. Prêt à rejoindre le maquis, il renonce à la demande paternelle. Il a alors tout juste 20 ans. Face aux tensions actuelles dans le monde, l’ancien forestier avoue son inquiétude: «Cela me fait peur.»
La suite, c’est une histoire d’amour et de terroir. Il rencontre Simone lors d’une fête à Escaudes; ils se marient en 1953. Le couple s’installe d’abord à Escaudes, puis gagne Bernos-Beaulac, attiré par des cousins déjà sur place. À la maison, bétail et volaille rythment le quotidien; après le travail, Pierre donne la main aux tâches, du jardin aux foins. À deux, ils parlent gascon, langue qu’il chérit encore. La famille s’agrandit: un fils, une fille, trois petits-enfants et déjà quatre arrière-petits-enfants.
Chasseur passionné, Pierre a monté plusieurs palombières, la dernière à Captieux. La migration des palombes a accompagné sa vie: «J’ai chassé durant 80 ans», dit-il, fier d’une tradition profondément ancrée en Gironde.
Et maintenant? Le centenaire lève souvent les yeux au ciel, comme pour ne pas manquer le passage d’un vol bleu. Il s’occupe de ses fleurs, qu’il «tient comme à la prunelle de ses yeux», et ne boude pas les soirées sportives: rugby, foot, vélo, quelques jeux télé et des enquêtes policières. Il aime faire rire et passer du temps avec les jeunes, histoire de transmettre un peu de mémoire et beaucoup d’optimisme.
Promesse tenue, donc. À Bernos-Beaulac, l’homme de Captieux a gagné son pari: fêter 100 ans en une, avec l’allure tranquille de ceux qui ont traversé le siècle sans jamais perdre le fil de leur histoire, entre forêt, gascon et palombières.